Les enfants de l'ex-empereur Bokassa demandent pardon et réhabilitation
BANGUI, 22 sept (AFP) - 12h35 - A l'heure où les
Centrafricains tentent de se réconcilier pour en finir avec des
années de crises politico-militaires, les enfants de l'ex-empereur
Bokassa 1er demandent pardon pour les crimes de leur père, tout
en souhaitant sa réhabilitation à titre posthume. Ils reconnaissent les dérives de leur père, cet ancien capitaine de l'armée coloniale française, qui s'était, comme Napoléon Bonaparte, couronné Empereur. Mais ils demandent aussi sa réhabilitation, au nom de l'héritage de "bâtisseur" qu'il a légué à ce pays rural d'Afrique centrale, riche en diamants. Bokassa avait été renversé en 1979 par les parachutistes français, après une fin de règne sanglante marquée par la répression de manifestations étudiantes. "Nous sommes venus redemander pardon pour le mal qu'il a commis, comme il l'avait lui-même fait en 1986, en acceptant de revenir en Centrafrique pour y être jugé, au risque de perdre la vie", a déclaré Jean-Serge Bokassa à l'AFP. "Il y a eu beaucoup de dérives sous sa dictature. A l'époque on ne parlait pas de démocratie en Afrique", a-t-il ajouté. Nés de 17 épouses, les enfants de l'ex-empereur sont aujourd'hui éparpillés entre la France, les Etats-Unis, le Liban, la Suisse, le Gabon, la Côte d'Ivoire, le Cameroun... Jean-Serge est l'un des seuls à être restés en Centrafrique. Il est employé dans un restaurant et a fondé une association chrétienne qui tente de "sortir les jeunes de la drogue par l'Evangile", conformément au parcours qui a été le sien. Il a ainsi "partagé les souffrances des Centrafricains", lors des mutineries militaires et tentatives de coup d'Etat sous le régime du président Ange-Félix Patassé (1993-mars 2003), qui fut ministre de son père pendant une décennie. M. Patassé a été renversé le 15 mars dernier par une autre vieille connaissance, l'actuel président François Bozizé, ancien aide de camp de Bokassa, auquel il doit ses étoiles de général. "J'espère que cette reconnaissance du mal commis par notre père fera du bien aux victimes, qu'elle nous permettra de nous élever ensemble au-dessus de tout cela, d'accepter le passé", espère aujourd'hui Jean-Serge. Les enfants du dictateur réfutent seulement les accusations de cannibalisme lancées contre Bokassa, "un montage des services secrets français pour le discréditer", qui ne fut d'ailleurs pas retenu par la justice centrafricaine. Après son retour volontaire d'exil, Bokassa avait été condamné à mort en 1987, une peine commuée en travaux forcés à perpétuité par le président André Kolingba (1981-93), qui l'avait ensuite gracié après sept ans de détention. Bokassa, pour qui "un repas sans camembert ni Beaujolais n'en était pas un", est mort à Bangui avec pour seul revenu sa retraite de l'armée française, privé de tous ses droits. "Vingt ans après, les Centrafricains reconnaissent ses réalisations dans bien des domaines. L'économie, l'armée, fonctionnaient bien, la plupart des constructions datent de son époque", estime Jean-Serge Bokassa. "Nous aimerions, ajoute-t-il, que ce qui se murmure dans la rue soit enfin reconnu officiellement. Qu'il soit rétabli dans l'honneur". De fait, la Centrafrique est tombée tellement bas que la nostalgie de l'ère impériale y est très répandue. Même si les Banguissois se souviennent que "quand Bokassa parlait à la radio, même le coq s'arrêtait de chanter". "On l'a beaucoup critiqué, mais lui au moins, il a construit le pays, alors que ceux qui lui ont succédé, de bons intellectuels et de bons cadres, n'ont rien foutu et se sont remplis les poches", a même déclaré à l'AFP le président Bozizé.
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