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Armée, finances: la Centrafrique veut des "blancs" partout

LIBREVILLE, 1er oct (AFP) - 9h13 - Triste aveu d'échec et d'impuissance, les Centrafricains sont nombreux à réclamer le retour en force des militaires, coopérants et entrepreneurs français pour redresser un pays à genoux, comme un "flash-back" tacite, au moins provisoire, à la case coloniale.
Mardi, des participants au Dialogue national de réconciliation qui se tient depuis deux semaines à Bangui, ont même suggéré de placer le pays sous tutelle en confiant la direction des douanes et des impôts à des conseillers techniques de l'ancienne puissance coloniale.

En mars dernier, quelques jours après le coup d'Etat du général François Bozizé, les rares passants à se hasarder sur l'avenue Barthélémy Boganda acclamaient un convoi de parachutistes français, de retour après plusieurs années d'absence pour sécuriser l'aéroport de la capitale.

La scène, semblant tout droit extirpée des archives télévisées de l'Afrique équatoriale française, aurait eu de quoi laisser pantois plus d'un Africain, de Harare à Abidjan.

Mais la question du "retour des blancs" est sur toutes les lèvres dans ce pays dont l'économie a été réduite en lambeaux par les soubresauts incessants d'une armée tribalisée à l'extrême, la corruption des élites politiques et des régies financières.

La Centrafrique fut pourtant l'un des pays d'Afrique francophone où la colonisation se manifesta le plus rudement.

Le journaliste Albert Londres et l'écrivain André Gide ont témoigné sans détours, au début du siècle dernier, des conditions d'exploitation des "indigènes" de l'ex-Oubangui Chari dans les plantations et camps forestiers, ou sur le chantier de la voie ferrée Congo-Océan.

Près d'un demi-siècle après leur indépendance, les Centrafricains ne semblent avoir retenu qu'un âge révolu où l'on mangeait à sa faim dans un pays administré.

Depuis son coup de force, le général Bozizé plaide en faveur d'un retour de coopérants français, civils et militaires, pour réorganiser l'armée et mettre de l'ordre dans les finances publiques.

Policiers et militaires aux contrôles de sécurité à Bangui semblent avoir reçu des consignes pour "ne pas importuner les blancs", selon les chauffeurs de taxis.

Une délégation du groupe français Bolloré, venue étudier les possibilités d'investissement dans le pays, a été reçue en septembre à bras ouverts par les autorités.

La France a accepté récemment de relancer sa coopération militaire dans ce pays pauvre et enclavé d'Afrique centrale de 3,7 millions d'habitants. Elle va former les cadres de trois bataillons qu'elle doit équiper d'ici fin 2004. Mais elle a averti qu'elle veillerait de près à ce que le recrutement s'effectue sur une base pluriethnique.

Beaucoup chuchotent à Bangui que les 200 parachutistes français présents depuis mars seront bientôt renforcés pour reconstituer l'ancienne garnison française de Bouar (centre-ouest). Même si cela ne semble guère d'actualité côté français.

Quant à l'implication future de coopérants français aux douanes ou aux impôts, elle séduit apparemment plus les Centrafricains que les Français, échaudés par les résultats mitigés des expériences passées.

En plein débat public sur ce thème, mardi au Dialogue national, un politicien centrafricain a logiquement relevé que la Centrafrique ne pouvait ainsi "déléguer une partie de sa souveraineté".

Il s'est fait rabrouer par un autre participant: "Chassez les blancs (...), remplacez-les par vos hommes dits compétents et vous verrez ce qui va arriver à notre pays si ce n'est la catastrophe".

"Beaucoup ont joui des vols, des détournements, des pillages. Lorsqu'il s'agit de mettre un terme à des pratiques pour harmoniser la gestion de la chose publique, ils s'y opposent. Nous disons +non+ et que cela finisse. Qu'on fasse venir les expatriés", a exhorté ce délégué.


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