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La Centrafrique à l'heure du "grand pardon"

BANGUI, 7 oct (AFP) - 9h11 - L'ancien président centrafricain André Kolingba (1981-93) et le parti du président déchu Ange-Félix Patassé (1993-mars 2003) ont fait sensation lundi à Bangui en demandant "pardon au peuple centrafricain" pour les crimes commis sous leurs régimes respectifs.
Les frères ennemis centrafricains ont prononcé leur mea culpa devant les 350 délégués du Dialogue national de réconciliation, qui se tient depuis la mi-septembre dans la capitale centrafricaine.

Déjà repoussée à plusieurs reprises, la clôture de ces assises censées mettre un terme aux crises politico-militaires qui déchirent la RCA depuis 1996 a été fixée au 15 octobre par les organisateurs.

Une cérémonie officielle aura lieu ultérieurement à Bangui en raison de l'indisponibilité à cette date de plusieurs chefs d'Etat africains invités, en particulier du président gabonais Omar Bongo, "parrain" de ce Dialogue.

A Bangui, on attendait particulièrement l'intervention de l'ex-président Kolingba, 67 ans, rentré dimanche après 28 mois d'exil en Ouganda, à la suite de son putsch manqué de mai 2001 contre M. Patassé.

Lors d'une intervention ponctuée d'ovations, diffusée en direct à la radio nationale, le général Kolingba a demandé pardon pour les souffrances infligées aux Centrafricains sous sa présidence et lors de son putsch manqué de mai 2001 contre M. Patassé.

"Je demande solennellement pardon à tous ces compatriotes qui ont été victimes de violence, qui ont été privés de leur liberté, qui ont perdu des êtres chers, qui ont vu leurs habitations et leurs biens pillés, détruits, qui ont été contraints à l'exil à l'étranger durant des années à cause de mon nom", a-t-il lancé.

Auparavant, M. Kolingba avait fait observer une minute de silence en mémoire des victimes de son coup d'Etat manqué de 2001 et de la répression qui avait suivi par les forces loyalistes.

M. Patassé a finalement été renversé le 15 mars dernier par son ancien chef d'état-major devenu l'actuel président, le général François Bozizé.

"Beaucoup de sang de personnes innocentes a coulé à la suite de ces événements. J'ai toujours été tourmenté par toutes ces souffrances et je continue de l'être", a poursuivi M. Kolingba.

L'ancien président a également demandé le pardon de son prédecesseur et "aîné" David Dacko (1979-81), qu'il avait renversé et à son "frère" François Bozizé, "président de la République, chef de l'Etat", qu'il avait fait emprisonner entre 1989 et 1991 lorsqu'il était au pouvoir.

M. Dacko, âgé de 73 ans, dont l'intervention était également très attendue, ne pourra venir témoigner au Dialogue "malgré sa disponibilité", en raison de son asthme chronique, ont annoncé les organisateurs.

Ange-Félix Patassé, exilé au Togo depuis mars, aura été l'autre absent majeur de cette journée de "grand pardon".

Mais le numéro deux de son parti, Hugues Dobozendi, a fait sensation en présentant les excuses du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) pour les dérapages de la présidence Patassé.

"A toutes et à tous, le MLPC demande pardon du fond du coeur pour les pertes en vies humaines, les dégâts matériels, viols et autres exactions commises sous le régime du président Ange-Félix Patassé", a déclaré Hugues Dobozendi, premier vice-président du MLPC.

Cette déclaration a été interprêtée par de nombreux observateurs comme un lâchage, par au moins une partie de ses proches, de M. Patassé qui se réclame toujours depuis Lomé comme le seul représentant constitutionnel du pays.

Un cadre de l'ancien parti au pouvoir a indiqué à l'AFP que M. Patassé avait refusé récemment d'adresser un message de pardon à ces assises et que le MLPC s'était résolu à en prendre l'initiative de son propre chef.

 

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