COMITE PREPARATOIRE DES TRAVAUX DE LA CONFERENCE DE RECONCILIATION NATIONALE
Conférence de Réconciliation Nationale

REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Unité - Dignité - Travail

CONFERENCE DE RECONCILIATION NATIONALE DU 26 FEVRIER AU 5 MARS 1998

 

LE DIAGNOSTIC DE LA SITUATION SOCIO - CULTURELLE


La crise militaro-politique que la République Centrafricaine a connu au cours de l'année 1996 trouve en grande partie son explication dans la dégradation des conditions socio-culturelles des Centrafricains, dégradation qui touche encore plus durement le monde rural tant au niveau de l'éducation qu'au plan de santé, de l'emploi et de l'intégration sociale.

I.1. L'éducation

L'Éducation constitue la clé du développement. Dans la déclaration de Harare (1982), cette perception de l'école (appréhendée comme l'instrument privilégié du développement) avait été clairement exprimée en ces termes : « l'éducation qui assure une double fonction de continuité et de progrès, est l'un des instruments le plus puissant d'un tel développement ».

L'éducation, pensait-on, devait donner à l'homme des aptitudes de base qui devraient lui permettre d'élever son niveau de vie. Ces bienfaits de l'éducation devaient s'appuyer sur une reconversion des méthodes traditionnelles de « l'enseignement importé » hérité de la colonisation, méthodes qui s'étaient avérées « incapables de créer une véritable conscience du développement chez les citoyens » et n'avaient pas pu « intégrer ces derniers dans le développement comme agents conscients et responsables ».(3)

Ainsi, toutes les réformes scolaires qui se sont succédés dans les pays africains au lendemain des indépendances, ont prôné avec un enthousiasme certain, l'expansion rapide de la scolarisation, de l'éducation primaire à l'enseignement supérieur.

Cependant à partir des années 80, la crise économique et financière conjuguée à la mauvaise gestion des systèmes scolaires ont provoqué une stagnation, voir même une baisse générale du niveau d'éducation partout sur le continent africain. La République Centrafricaine n'est pas épargnée de cette situation. En effet, comme dans les autres pays noirs, notre système scolaire hérité de la colonisation n'est pas adapté aux réalités sociales et aux besoins du pays. La tenue des États généraux de l'éducation et de la formation et les nombreuses propositions et recommandations qui en sont issues, n'ont pas réussi à faire jouer pleinement à l'éducation son rôle de moteur du développement national. Les problèmes identifiés hier au cours de ces États généraux sont encore aujourd'hui d'une actualite brûlante.

Ces problèmes se résument aux points suivants :

Forte demande sociale d'éducation non satisfaite avec :

un faible taux de scolarisation dans le primaire dé 68% par rapport à la moyenne de l'Afrique Sub-Saharienne qui est de 77%,

les filles sont les moins scolarisées (57 % contre 78% chez les garçons),

les enfants des milieux urbains sont plus favorisés par rapport à ceux des milieux ruraux,

le taux brut de scolarisation dans le secondaire est quant à lui de 20% (27% pour les garçons et 13% pour les filles),

effectifs pléthoriques des élèves par classe, par enseignant et par livre, ce qui contribue à la baisse du niveau des dits élèves,

le taux élevé de déperdition (54%, surtout chez les filles plus de 85%)

l'inadaptation des programmes d'enseignement face à l'évolution de la société,

l'insuffisance des crédits alloués au secteur éducatif (18 % du budget national),

une gestion peu rationnelle des ressources disponibles

la centralisation excessive des structures de formation et de gestion au niveau de Bangui,

la médiocre performance de l'enseignement supérieur, caractérisée par des déséquilibres entre les filières de formation,

une prédominance excessive de l'enseignement général sur l'enseignement technique et professionnel,

une quasi absence du secteur privé dans la gestion de l'éducation,

l'inadéquation entre les filières universitaires et le marché de l'emploi,
l'insuffisance et la démotivation des enseignants consécutifs au manque de mesures incitatives.

 

I.2. La santé

On ne saurait nier le fait qu'il existe une relation étroite entre la pauvreté et la mauvaise santé. En effet, une mauvaise santé maintient le pauvre dans la pauvreté et la pauvreté maintient le pauvre dans de mauvaises conditions de santé.

En République Centrafricaine, la santé de la population est entièrement négligée à tels points que les hôpitaux et les centres de sante sont devenus de véritables mouroirs. Le taux de mortalité infantile, 136 pour mille, est à l'heure actuelle le plus élevé des pays moins avancés.

Les recommandations issues du Séminaire National de Réflexion sur la problématique de la santé en République Centrafricaine (tenue en juin 1988), sont restées jusqu'à présent lettre morte, ce qui aggrave la situation sanitaire du pays à l'heure actuelle.

De l'analyse de cette situation, il ressort les problèmes suivants :

I.2.1. Problèmes liés à la nature des maladies

les maladies diarrhéiques, le paludisme,

les maladies infectieuses et parasitaires,

les maladies sexuellement transmissibles y compris le SIDA,

les hépatites virales,

les affections de groupes vulnérables (mère, enfant),

les carences nutritionnelles,

les avortements.


I.2.2. Problèmes liés à la couverture sanitaire

l'insuffisance des formations sanitaires et leur inégale répartition sur l'ensemble du territoire ainsi que leur état vétuste et leur désaffection,

les difficultés d'accès aux soins des populations du fait de la faiblesse des ressources financières,

l'insuffisance et la démotivation du personnel soignant,

la faible couverture en matière d'assainissement,

l'absence ou la faible participation communautaire aux programmes de santé,

le manque de qualification du personnel.


I.2.3. Problèmes liés au financement du secteur de la santé

L' insuffisance du budget national alloué au fonctionnement des formations sanitaires et leur gestion déficiente, constituent un handicap majeur pour l'efficacité du système de santé
Absence d'un système adéquat de recouvrement des coûts

Faible taux d'investissements publics en faveur du secteur. Mauvaise répartition et mauvaise gestion des ressources extérieures sur l'ensemble des formations sanitaires centrales et périphériques

Cherté des médicaments importés et inaccessibilité pour la grande majorité de la population.

Bref, cette situation si préoccupante démontre de façon éloquente l'absence de politique sanitaire cohérente du gouvernement centrafricain.

 

(3) J.A. Mbembé : les jeunes et l'ordre politique en Afrique Noire - Paris, Harmattan - 1985 P. 40